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Artículo: Montres & Pilotes automobile

Montres & Pilotes automobile

Montres & Pilotes automobile

Le 20 mars dernier avait lieu le Grand Prix de Bahreïn qui a ouvert la saison 2022 de Formule 1. La saison dernière, le duel Max Verstappen-Lewis Hamilton a tenu en haleine les amateurs de course automobile jusqu’au dernier Grand Prix. Mais que portent au poignet les deux champions ? Si le pilote hollandais peut parfois être vu avec une Rolex Daytona ou une Royal Oak Offshore d’Audemars Piguet, il parcourt le plus souvent les paddocks avec des modèles Tag Heuer aux noms évocateurs (Monaco Titan, Formula One). Le Britannique quant à lui, arbore une IWC Big Pilot Perpetual Calendar qu’on imagine plutôt dans le cockpit d’un avion de chasse que dans celui d’une Formule 1…

De nos jours, les choix horlogers des pilotes semblent plus liés à la promotion des sponsors de leurs écuries respectives (Tag Heuer pour Red Bull et IWC pour Mercedes donc, mais aussi Richard Mille chez Ferrari et McLaren, ou Bell&Ross chez Alpine) qu’à de réels coups de cœur de leur part. Pourtant, il y eut une époque où les pilotes portaient des montres non pas parce qu’ils étaient payés pour le faire, mais parce qu’ils les avaient choisies et que celles-ci faisaient partie de leur univers.

Horlogerie et sport automobile ont ainsi lié leurs destins dans les années 60 grâce à des chronographes iconiques, des courses aux noms mythiques et des pilotes légendaires au destin parfois tragique.  

1957 : TACHY ET SPEEDY

Qui dit course automobile, dit vitesse. L’échelle tachymétrique que possèdent les cadrans de certains chronographes permet justement de mesurer la vitesse moyenne d’un objet en mouvement, par rapport à une unité de distance donnée. En voiture par exemple, il suffit de déclencher le chronographe au passage d’un borne routière et de l’arrêter à la suivante, pour déterminer sa vitesse moyenne en kilomètres ou en miles par heures, en lisant simplement le nombre de l’échelle tachymétrique devant lequel s’est arrêtée l’aiguille du chronographe.

Dans les années 40 et 50, l’échelle tachymétrique des montres était peinte sur le cadran, en général autour de l’échelle de minuterie, mais en 1957 l’Omega Speedmaster référence CK 2915 vient changer tout cela en externalisant l’échelle tachymétrique sur une lunette gravée en acier. Avant d’aller dans l’espace et sur la Lune, la Speedmaster et son calibre 321 à remontage manuel était en effet destinés aux pilotes de course (ou à ceux rêvant d’en être un), tel le belge Willy Mairesse. Pilote de Formule 1 chez Ferrari, il se distingua aux 24 Heures du Mans où il termina deuxième en 1961 et troisième en 1967, avant qu’un grave accident ne survînt lors de l’édition 1968 : la porte de sa Ford GT40 était mal fermée lors du départ en épi et en essayant de la refermer, il perdit le contrôle de son véhicule sur la ligne droite des Hunaudières. Resté dans le coma pendant 2 semaines, miné par les séquelles de son accident, il mit fin à ses jours l’année d’après.

1963 : DES PLAGES DE LA FLORIDE AUX ROUTES DU MEXIQUE

Daytona Beach : station balnéaire de 72 000 habitants située au nord-est de la Floride, baignée par l’Océan Atlantique. Au début du vingtième siècle, des courses automobiles y sont organisées sur la plage. En 1959, William France Sr., fondateur de la NASCAR (National Association for Stock Race Auto Racing), décide de créer le circuit du Daytona International Speedway à quelques kilomètres de la côte. Cette piste « tri-ovale » (un ovale de forme triangulaire) était destinée à accueillir une course de stock cars de 500 miles (805 km) qui devint la célèbre Daytona 500. Mais le circuit offre d’autres configurations que le tri-ovale et en 1962, France décida d’y organiser une course d’endurance de 3 heures, la Daytona Continental. En 1966, la durée de la course fut portée à 24 heures : les 24 Heures de Daytona étaient nées et devinrent une des courses d’endurance les plus populaires du continent nord-américain.

En 1963, Rolex sort son nouveau chronographe, la Cosmograph référence 6239. Contrairement à la référence 6238 précédente, l’échelle tachymétrique est maintenant gravée sur une lunette métallique externe (comme l’Oméga Speedmaster sortie six ans auparavant) et, fait nouveau pour un chronographe à cette époque, les sous-compteurs sont de couleur contrastée par rapport au reste du cadran pour une meilleure lisibilité – les fameux cadrans « reverse pandas », avec des sous-compteurs blancs sur un fond noir.

La manufacture suisse cherche un nom pour ce nouveau modèle : si elle pense à le nommer « Le Mans » dans un premier temps*, elle abandonne assez vite cette idée et décide de reporter son choix sur « Daytona », pensant peut-être que le nom des courses floridiennes serait plus porteur sur le marché américain, dont l’économie était en plein essor à l’époque. Autour des années 1964-65, la mention « Daytona » apparaît donc sous la mention « Cosmograph » ou « Chronograph » dans la moitié supérieure du cadran, avant de descendre au-dessus du compteur à six heures trois ans plus tard. En 1965, apparaissent les poussoirs vissés, qui viennent remplacer les poussoirs lisses, les cadrans deviennent « pandas » (compteurs noirs sur fond blanc, faisant penser à la sympathique bouille du plantigrade chinois) et les lunettes en bakélite noire font leur apparition. D’autres évolutions voient le jour, dont une configuration de cadran associée à l’acteur-pilote Paul Newman, mais nous vous en avons déjà parlé ici.

* Il y a aura bien un chronographe « Le Mans » dans les années 70, mais ce sera une … Herma, marque française disparue depuis.

Toujours en 1963 (année de naissance de la Porsche 901/911), Jack Heuer, qui avait repris récemment les rênes de l’entreprise fondée par son arrière-grand-père, a la même réflexion que Rolex : les montres à l’époque n’avaient que rarement un nom et il souhaitait en donner un à son nouveau chronographe. L’année d’avant, alors qu’il assistait aux 12 Heures de Sebring, il eut vent de la Carrera Panamericana : cette course qui se courait sur la portion mexicaine de la route panaméricaine, un ensemble d’autoroutes qui permet de parcourir les Amériques du nord au sud, n’eut lieu qu’entre 1950 et 1954. Elle était considérée comme une des plus dangereuses de son époque : avec 27 morts en cinq éditions, en général seulement un tiers des participants franchissaient la ligne d’arrivée. L’histoire plut à Heuer et le nom « Carrera » sonnait bien dans la plupart des langues, si bien qu’il déposa le nom. La première Heuer Carrera fut la référence 2447 : le cadran souhaité par l’ami Jack devait être le plus clair et lisible possible – des index bâtons, épuré de toute indication ou échelle superflue et trois sous-compteurs sur un cadran uni, noir, argenté ou blanc. Ce qui caractérise aussi la Carrera, c’est cet anneau de tension qui permet de mieux maintenir le verre sur le cadran et améliorer ainsi l’étanchéité de la montre, sur lequel sont peintes des graduations à 1/5 de seconde. D’autres variations de la Carrera dont nous vous avons déjà parlé, furent produites les années suivantes : des modèles à deux sous-compteurs (45 ou 30 minutes), avec ou sans échelle tachymétrique, avec un guichet date à 9 heures (45 Dato) et mêmes des versions en or 18 carats.

Outre leur année de commercialisation, les deux chronographes de Rolex et Heuer partagent d’autres points communs, en particulier leurs cadrans, réalisés par l’entreprise Jean Singer & Cie, et leurs calibres, le Valjoux 72 (la Daytona possédait en fait une version customisée par Rolex avec un balancier à vis Microstella). Ce mouvement de chronographe avec roue à colonnes, à remontage manuel, fut introduit en 1938. Par rapport au Valjoux 22 et ses deux compteurs (secondes et compteurs de 30 minutes), le Valjoux 72 permettait d’avoir un compteur supplémentaire pour les heures, positionné à six heures. Prisé pour sa fiabilité, c’est LE calibre des chronographes sportifs des années 50 et 60, qu’on retrouve également dans l’Autavia d’Heuer ou le Sherpa Graph d’Enicar par exemple.

Heuer Carrera 2447S

On pourrait croire que la Rolex Daytona et l’Heuer Carrera étaient rivales. Pourtant, les deux modèles ne courraient pas dans la même catégorie : si la Carrera était vendue 89,50$ hors taxes, la Daytona était proposée à 210$ hors taxes, soit plus du double du prix de l’Heuer. Non, la principale concurrente de l’Heuer Carrera dans les présentoirs des horlogers des années 60 était la Breitling Top Time. Restant sur le succès de la Navitimer (que portait le pilote britannique Graham Hill), Willy Breitling souhaitait sortir un modèle plus sportif et moderne pour séduire les jeunes, à un prix abordable. Les premières références sont commercialisées en 1964, avec des cadrans à deux (réf. 2000, mouvement Venus 188) ou trois compteurs (réf. 810, mouvement Venus 178), panda, reverse panda ou uni. Un des plus célèbres pilotes de l’histoire automobile, l’écossais Jim Clark, était amateur de Breitling (entre autres) et portait une Navitimer ou une Top Time sur les pistes du championnat de Formule 1 qu’il remporta en 1963 et 1965 sur une Lotus. Vainqueur également de l’Indianapolis 500 en 1965, il trouva la mort dans un accident à Hockenheim en 1968 à seulement 32 ans.

LE MANS 67 : DES PILOTES ET DES CHRONOGRAPHES (ET UNE DOUCHE DE CHAMPAGNE)

Les années 60 sont marquées par la rivalité Ferrari-Ford : que ce soit sur les pistes de Spa, Daytona ou Sebring, les Ferrari 250 GTO et les Ford GT40 enchaînent les records de vitesse et se livrent une lutte acharnée marquée par les 24 Heures du Mans 1966, où Ford vient briser l’hégémonie de Ferrari qui restait sur six victoires consécutives dans la Sarthe (racontée de façon romancée dans le film « Le Mans 66 » de James Mangold, sorti en 2019).

L’édition suivante des 24 Heures du Mans, en 1967, devint alors la « Course du Siècle » : Ferrari revient revanchard avec sa nouvelle 330 P4 qui impressionne depuis le début de la saison, notamment aux 24 Heures de Daytona quelques mois plus tôt, où Ferrari monopolise les trois premières places (en réponse aux trois Ford arrivées premières au Mans 1966 !). Ford de son côté, à la suite de son échec à Daytona, a relancé son projet J qui donnera naissance à la GT40 Mk IV. Dans les (beaux) seconds rôles : Chaparral, Lola, Mirage et Porsche. La course réunit également la crème des pilotes de l’époque : le mois précédent, onze d’entre eux ont participé au Grand Prix de Formule 1 de Monaco et sept à l’Indianapolis 500. Trente-sept parmi eux ont déjà couru ou courront en Formule 1, dont cinq champions du monde passé ou à venir.

Ford GT40 Mk IV de Dan Gurney/A.J. Foyt (vainqueur des 24 Heures du Mans 1967) ; Ferrari 330 P4 de Mike Parkes / Ludovico Scarfiotti (2ème)

La course, haletante, aboutit à la victoire de la Ford GT40 Mk IV de l’équipage américain Dan Gurney / A.J. Foyt, devant deux Ferrari 330 P4 pilotées par Mike Parkes / Ludovico Scarfiotti et Willy Mairesse (dont nous vous avons parlé plus haut) / Jean Blaton. Sur le podium, Dan Gurney inaugura pour la première fois un rituel devenu courant aujourd’hui, en secouant une bouteille de champagne et en arrosant son coéquipier et les gens autour. L’autre particularité des deux pilotes américains est qu’ils avaient l’habitude de porter des chronographes Rolex tous les deux : une référence 6234 Pré-Daytona pour Dan Gurney et une Daytona référence 6239 pour A.J. Foyt.

 

Mais la liste des participants à cette édition 1967 présentait également d’autres noms bien connus des amateurs de montres, notamment chez les inconditionnels d’Heuer.

En pleine nuit, à 3h35 du matin, la Ford Mk IV numéro 3 a un terrible accident au niveau des Esses de le Forêt, rebondit contre la paroi et vient s’écraser de l’autre côté de la piste. Miraculeusement, le pilote s’extrait du véhicule (qui n’a pas explosé !), passe le rail de sécurité et s’effondre dans l’herbe, incrédule. Mario Andretti a eu chaud ce jour-là, ce qui ne l’empêchera pas d’obtenir un des plus beaux palmarès du sport automobile (vainqueur de l’Indianapolis 500 et de la Daytona 500, ainsi que du championnat de Formule 1 en 1978) et voir son nom associé à une Heuer Autavia.

 

Sortie en 1962, l’Autavia, chronographe de légende, est la première montre dessinée par Jack Heuer. C’est le premier chronographe qui propose une lunette tachymétrique tournante, même si le modèle est également proposé avec des lunettes graduées de 60 minutes, 12 heures ou en heures-minutes. Son histoire peut se découper en trois périodes :

  • les premiers modèles fabriqués entre 1962 et 1968, les plus prisés pas les collectionneurs, avec un boîtier à fond vissé et des mouvements à remontage manuel à deux (Valjoux 92) ou trois sous-cadrans (Valjoux 72) sur des cadrans reverse panda,
  • les modèles à remontage manuel, avec boîtiers compressor à fond clipsé et des cornes carrés un peu plus proéminentes, produits en 1968 (Valjoux 72, 7730 ou 7732),
  • et à partir de 1969, les modèles automatiques, avec l’introduction du calibre 11 (premier mouvement de chronographe automatique conçu par Dépraz-Buren pour Heuer, Breitling et Hamilton, la même année que ceux proposés par Zenith-Movado et Seiko) et des boîtiers plus imposants en forme de coussin.

L’Autavia de Mario Andretti est une référence 3646 à deux sous-compteurs et fait partie de la première génération à fond vissé, que le pilote arborait souvent sur les circuits.

L’autre référence iconique de la première génération d’Autavia est la référence 2446, à trois sous-compteurs, qui est associée au pilote autrichien Jochen Rindt. Marié au mannequin Nina Rindt (qui portait avec élégance un Universal Genève Compax, animé lui aussi par un mouvement Valjoux 72) eut un destin tragique – comme trop de pilotes de cette époque – puisqu’il eut un accident mortel à 28 ans lors des essais du Grand Prix d’Italie à Monza et fut sacré champion de Formule 1 à titre posthume en 1970. Aux 24 Heures du Mans de 1967, l’autrichien court sur une Porsche 907 LH, mais il dut abandonner avant la fin de la course, lui qui avait remporté l’épreuve en 1965. A cette époque, Porsche ne se mêlait pas à la lutte entre les gros bras Ford et Ferrari, mais visait plutôt la victoire à l’indice de performance sur le circuit sarthois, que remporta cette année-là l’autre Porsche 907 LH pilotée par l’équipage Hans Hermann et Jo Siffert. Ce dernier donnera plus tard aussi son nom (de manière officieuse) à une Heuer Autavia automatique, la référence 1163T et son aiguille bleue. Malheureusement, il mourut également sur les pistes en 1971, lors d’une course à Brands Hatch en Angleterre.

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